Coeur de démon 3

Publié le par sillyan

 

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Éméra l'attendait encore la nuit suivante. Une fois encore, elle lui sauta au cou comme une enfant. Une fois encore, ils partirent dans les ruelles nocturnes. La ville offrait une vision bien plus palpitante à cette heure si tardive, et la jeune fille semblait parcourue des frissons de l'aventure, ragaillardie par la présence rassurante de Moëlys. « Pauvre sotte, pensait le démon avec amusement, tu ne te rends même pas compte que je suis ton seul véritable danger... »

Et pourtant, la nuit prenait un aspect presque ensoleillé aux côtés d'Éméra. Sans doute était-ce dû à la lumière bleutée de la pleine lune... Les bâtiments semblaient révéler des secrets insoupçonnés, et la magie qui flottait dans l'air était presque palpable.

- Pourquoi ne viens-tu que la nuit ?

- Je suis très occupé, tu sais, répondit le démon d'un air mystérieux.

La vérité était que Moëlys avait horreur de la lumière du soleil. Il lui préférait largement celle de la lune ou des flammes. Le soleil l'exposait à « ceux d'en haut », les pires ennemis d'une créature infernale telle qu'il était. C'est pourquoi il ne sortait sous la lumière du jour qu'en cas d'extrême nécessité.

Le silence était retombé. Moëlys en profita pour observer Éméra. Quelque chose d'étrange émanait d'elle, sans qu'il ne puisse l'identifier. Elle était d’une pureté telle que c'était comme si le monde s'inclinait devant elle. Il n'avait pas droit à l’erreur. Son festin promettait d'être le plus succulent de tous.

La jeune fille s'était remise à parler. Moëlys ne l'écoutait que distraitement, feignant de s'intéresser aux inepties qu'elle lui contait. Mais en réalité, il la regardait avec une avidité bestiale, impatient de l’avoir en son pouvoir.

La lune commençait à décliner ; bientôt, le soleil pointerait ses premiers rayons.

- Il faut que je rentre, murmura la jeune fille d'un air déçu.

Moëlys la raccompagna jusqu’à son lit, puis il s'en fut sous les premiers rayons du matin.

 

Cette jeune fille avait quelque chose d'étrange. Moëlys n'aurait su expliquer pourquoi il avait ce sentiment, mais quelque chose chez elle le fascinait. Tant de pureté... Jamais il n'en avait vu de telle chez un être humain. S'il réussissait, il gagnerait une puissance considérable. Quelque chose semblait émaner constamment d'elle, comme si elle marchait sur l'eau, ou comme si le sol lui-même se liquéfiait sous ses pas. Ses yeux semblaient transpercer tout ce qu'elle regardait et voir des choses que d'autres ne pouvaient voir. Moëlys avait beau passer en revue tous les visages de toutes ses anciennes victimes, aucune n'avait un tel regard.

Satisfait à l'idée du festin qui l'attendait, le démon s'assoupit.

 

Éméra s'éveilla, sereine, quelques heures plus tard. Elle pensait à son mystérieux visiteur nocturne. Faisait-elle le même rêve chaque nuit, ou venait-il réellement la voir tous les soirs ? Pourtant elle ne se sentait pas fatiguée...

A ses côtés, la ville devenait magique, et elle était persuadée que certaines choses n'apparaissaient que lorsqu'il était là. Était-ce un enchanteur ? Ou un génie ?

Elle se leva et se dirigea dans la cuisine où elle avala un verre de jus d'orange et deux tartines de beurre. Elle pensait toujours à Moëlys. Quand lui avait-il dit son nom, déjà ? Elle n'en gardait pas le souvenir. À vrai dire, la jeune fille ne se rappelait même plus du jour où elle l'avait rencontré pour la première fois. C'était comme s'il avait toujours été là, et qu'elle s'était aperçue de sa présence petit à petit jusqu'à en prendre pleinement conscience.

Peut-être n'était-il qu'un produit de son imagination... Mais elle s'en fichait. Ce rêve lui plaisait. Elle fredonnait distraitement, revoyant dans son esprit le visage de Moëlys : son sourire espiègle, son regard mystérieux assombri par les quelques mèches de cheveux noir qui retombaient élégamment sur son front, soutenu par des pommettes saillantes et une mâchoire légèrement anguleuse, malgré ses traits fins... Un sourire se dessina sur le visage d'Éméra.

Une fois propre et habillée, elle s’assit à son bureau pour travailler. Cependant, sans qu'elle n'y prête attention, son crayon de papier esquissait le visage de Moëlys, s’animant sous ses yeux comme s'il sortait du brouillard... C'était bien ainsi qu'il lui apparaissait chaque nuit. Qui était-il en vérité ? Éméra avait la sensation qu'il dissimulait quelque chose, comme une part d'ombre derrière ce sourire si doux. Son regard semblait cacher tant d'autres choses.

Éméra leva les yeux vers la fenêtre d'où pénétraient doucement les rayons du soleil. Si seulement il pouvait venir la voir le jour, alors qu'elle était pleinement éveillée, elle en aurait le cœur net. Qu'est-ce qui pouvait bien le retenir ainsi tout au long d'une journée ?

La jeune fille se rendit compte qu'elle ignorait tout de lui. Que faisait-il ? Où vivait-il ? Il venait simplement la chercher pour l'emmener dans la ville nocturne. Et c'était tout.

Éméra fut ramenée à la réalité par la voix de sa mère. L'heure des rêveries était terminée, il était temps de revenir au monde pénible de la vie quotidienne.

 

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V
Une histoire captivante... (°|°)
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